« En Bourse, les applications de rencontres n’ont plus la cote »


A Moscou, en juillet 2022.

Rencontrer l’âme sœur sur Internet a été l’un des mouvements sociologiques les plus spectaculaires de l’âge numérique de ce début de XXIe siècle. La sociologue Eva Illouz y a vu les prémices de La Fin de l’amour (Seuil, 2020) et, dans sa foulée, l’économiste Daniel Cohen, un basculement dans une civilisation numérique déshumanisée.

Serait-on déjà en train de sortir de cette époque pour entrer dans une autre ? En tout cas, en Bourse, les applications de rencontres n’ont plus la cote. Le plus grand groupe du secteur, l’américain Match Group a vu sa capitalisation boursière dégringoler de plus de 70 % depuis son pic de 2021, et sa croissance s’érode un peu plus chaque année.

Il est cependant un peu tôt pour parler d’un flop à ranger dans le rayon des modes éphémères. D’ailleurs, les résultats financiers de Match Group, publiés mardi 30 janvier, ont rassuré les investisseurs. La société a vu son chiffre d’affaires progresser de 6 % en 2023, et ses bénéfices presque doubler. Il faut dire que l’entreprise affirme qu’une rencontre amoureuse sur deux commencée sur Internet dans le monde l’a été sur l’un de ses sites. Sa collection rassemble tous les goûts, du plus coquin au plus sage, avec notamment le français Meetic, racheté en 2015, et les applications Tinder, Hinge ou Match.

2 000 sites en France

Au-delà de cette bonne santé financière, les premiers indices inquiétants apparaissent et expliquent le désamour en Bourse. Chaque année, la croissance est moins forte, alors que la concurrence est de plus en plus vive et fournie. D’après Bpifrance, on compterait 8 000 sites de rencontre dans le monde dont 2 000 en France. Et, surtout, la base d’utilisateurs payants est désormais en baisse (− 5 % en 2023). Le groupe parvient à maintenir ses bons résultats par la hausse de ses abonnements. A la fin de 2023, la firme a introduit de nouveaux tarifs d’abonnement, dont un très élitiste à près de 500 dollars (459 euros) par mois aux Etats-Unis.

Ce qui préoccupe Match et ses concurrents est l’arrivée d’une nouvelle génération qui semblerait beaucoup moins accro à cette pratique. Pour le magazine Wired, très à la pointe sur les tendances, la génération Z (les 15-25 ans) ne veut plus entendre parler de ces applis déshumanisantes et rêve d’un retour au romantisme. Une étude de novembre 2023 menée auprès d’étudiants américains par le site Axios montre que près de 80 % d’entre eux n’utilisent pas ce genre d’applications.

Est-ce la fin de l’industrialisation de la vie amoureuse ? Du « just fuck » fustigé par Daniel Cohen qui collerait à notre société du « just-in-time » ? Tant qu’il y aura de la solitude, les marchands de rencontres pourront prospérer. Mais il leur faudra affiner leurs pratiques



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Catégorie article Politique

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